Le blog - Salariés-aidants, ces fabuleux collaborateurs !

Billet ajouté le 26 septembre 2023 à 10h01

En France, onze millions de personnes accompagnent au quotidien un proche malade*, en situation de handicap ou en perte d'autonomie due à l'âge. 6 millions sont actifs et exercent une activité professionnelle. Dans les entreprises du secteur privé c’est un salarié sur cinq qui est aujourd’hui concerné. Avec le vieillissement de la population, l’allongement des carrières et l’augmentation des maladies liées à l’âge ils pourraient être 1 sur 4 en 2030.

 

« Pour ces salariés aidants, la gestion contraignante du triptyque – vie personnelle, professionnelle, aidance, relève souvent du parcours du combattant, sans compter les effets du Covid qui ont provoqué avant l’heure et sans anticipation la séparation prématurée des couples aidant-aidé », relève Guillaume Staub, Président Prev&Care.

 

Tabou et peur d’être stigmatisé

 

Selon l’Observatoire solidaire de La Mutuelle Générale 69 % de salariés-aidants n’informent pas leur employeur de leur situation, au détriment de leur équilibre de vie.

L’aidance affecte presque inévitablement la vie professionnelle : absences répétées, organisation chamboulée et productivité ballotée sont souvent mal comprises par le manager ou les équipes, et peuvent entraîner un sentiment d’isolement chez le salarié, voire un risque de burn-out. 

 

« La crainte de voir leur salaire et leurs opportunités de carrière stagner, alors même que conserver une activité s’avère salutaire pour la plupart des aidants, explique que peu se déclarent comme aidants à leur entreprise », souligne Pierre Denis, responsable du pôle engagement sociétal et délégué général de la Fondation d'entreprise de La Mutuelle Générale.

« Les collaborateurs ont encore peur de parler de leur statut d’aidant à leur supérieur, par peur d’être stigmatisés. Cela nous montre bien qu’il y a urgence à remettre l’humain au cœur de l’entreprise ». C’est d’ailleurs la crainte d’ouvrir la porte de sa vie privée qui rend la situation d’aidance si difficile à détecter dans le milieu professionnel.

 

Or cela devrait être tout le contraire. Les entreprises au cœur du sujet. Une mauvaise prise en charge des salariés-aidants pouvant coûter cher en termes de cohésion, de productivité et d’image, il est alors vital pour les entreprises de mettre en place des dispositifs d’accompagnement des salariés aidants« Sans pour autant se substituer à une structure d’action sociale, l’entreprise a un véritable devoir de soutien de ses employés en situation de fragilité. La question des salariés-aidants touche à son moteur humain ; il s’agit de la protection de ses ressources », insiste Pierre Denis. A cela s’ajoute aussi l’enjeu de marque employeur représenté par l’accompagnement des aidants, à une époque d’inversion du rapport de force employeur-employés et de forte volatilité des talents.

 

La question des talents

 

« La triple vie des salariés aidants qui dure parfois des années, favorise le développement de nouvelles compétences ou soft skills précieuses pour l’entreprise » évoque Guillaume Staub.

Les soft skills, sont ces compétences comportementales, ou savoir-être à la croisée des aptitudes et des traits de personnalité qui complètent les compétences professionnelles.

 

Quel est l’intérêt pour les entreprises de porter attention aux soft skills des salariés aidants familiaux ?

Dans cette décennie où nous vivons une accélération de la transformation de nos sociétés, les compétences techniques liées aux métiers sont dépassées au terme de 5 ans environ. Elles doivent constamment évoluer pour s’adapter aux nouvelles technologies et nécessitent bien souvent de passer par des sessions de formation.

 

Or les soft skills sont des compétences plus stables, qui s’adaptent aux environnements qui évoluent dans le temps. Elles ont donc de la valeur pour les entreprises, car cumulées aux compétences techniques, les salariés sont plus résistants et multi taches. L’intelligence relationnelle apporte des relations sereines dans l’entreprise et contribue à réduire les tensions et le stress. Elle facilite le travail d’équipe et l’ouverture d’esprit. Ces collaborateurs représentent un vivier important de qualités interpersonnelles, particulièrement utiles pour l’entreprise : « Ce sont des collaborateurs qui jonglent avec de nombreux aspects au quotidien, cumulant les responsabilités nécessitant d’être capable de prendre des décisions, des initiatives, de faire preuve de coordination… Des atouts dans le monde professionnel ! ».

 

Parmi eux figurent aussi la capacité d’écoute, l’esprit d’analyse, l’aptitude à anticiper ou encore une grande adaptabilité. « Autant de qualités extrêmement prisées des employeurs, qui figurent déjà sur de nombreuses fiches de poste ».

 

De nombreuses études comme l’OCIRP ont permis de mettre en lumière les typologies de compétences acquises par les salariés aidants :

 

·      Adaptation au changement 72,8 %

·      Meilleure gestion des priorités 70 %

·      Empathie vis-à-vis de mes collègues 43,5 %

·      Gestes de premiers secours 18,5 %

·      Organisation de mon temps 42,1 %

·      Autres 17,5 %

 

« Il est crucial de sensibiliser à cet enjeu le management dans les entreprises pour que les personnes concernées se sentent libres d’en parler à leurs collègues et à leur DRH. Et comme il y a autant de cas particuliers qu’il y a de salariés aidants, il faut mettre en place des dispositifs personnalisés et adaptés aux besoins de chacun ». La parole doit se libérer, les tabous levés, les dispositifs déployés, les compétences reconnues.

 

Car il y a un intérêt pourtant manifeste. « Valoriser ses compétences de salarié aidantpeut permettre non seulement de s'assurer un certain nombre de soutiens en interne, mais également d'élargir ses perspectives de carrière ». L'entreprise, elle aussi, a tout à y gagner. 

« En reconnaissant les compétences acquises dans la sphère extraprofessionnelle, l'employeur renforce l'engagement de ses salariés aidants et les fidélise ». Une façon aussi de cultiver sa marque employeur.

 

Dès lors, il faut considérer ces soft skills comme des leviers pour valoriser les salariés-aidants, véritables facilitateurs de réinsertion : « ces aptitudes peuvent les disposer aussi bien à monter en compétences au sein de leur poste actuel qu’à prendre en charge une équipe ou bien à se réorienter, dans les ressources humaines par exemple. Il faut donc imaginer des systèmes de mobilité qui soient à la fois transverses et ascensionnels »

 

La démarche d’accompagnement des salariés-aidants doit en effet nécessairement prendre en compte leurs éventuelles nouvelles aspirations et peut, à terme, s’avérer bénéfique pour l’ensemble des salariés, qu’ils soient aidants ou non précise Guillaume Staub.

 

La place des salariés aidants : un enjeu RSE de premier plan

 

Et si plutôt que de reléguer le sort des salariés-aidants au domaine privé le sujet était un enjeu de responsabilité collective ? 

Réduction de la charge mentale, dispositifs pour prévenir l’épuisement, aide psychologique, don de RTT de la part de collègues, aménagement des horaires de travail… « Maintenir dans l’emploi ses salariés aidants doit faire partie des politiques sociales des entreprises en leur accordant une importance particulière tant le sujet est question de société. Cela peut aussi passer par la mise en place de pairs-aidants au sein de l’entreprise, pour accompagner les collaborateurs qui sont eux-mêmes en situation d’aidance. Nous constatons que les entreprises sont de plus en plus nombreuses à mettre en place ces relais » rapporte Guillaume Staub. Les entreprises peinent à recruter et à retenir leurs salariés, or ce type de démarche augmente l’attractivité de l’entreprise, permet de réduire le taux d’absentéisme et de booster l’engagement des équipes. « La résilience d’une entreprise passe en grande partie par la fidélisation de ses talents. Accompagner les aidants, c’est aussi assurer la pérennité des équipes et de l’organisation ».

 

Une meilleure insertion des salariés-aidants en entreprise est donc une démarche qui bénéficie à tous. Alors que le monde du travail est en pleine mutation, une meilleure prise en compte des spécificités de chacun encourage l'entreprise à se remettre en question et à replacer l’humain au centre des préoccupations. 

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